« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et pourtant c’est la plus grande de nos misères ». (Pascal, Pensée 171, édition Brunscwicg)

Chaque année la mort tue plus que les accidents de la route et les êtres humains ont nettement plus de chances de décéder que d’obtenir un CDI. C’est même une probabilité de 100%. Et pourtant, nous songeons si peu à la mort. Ou plutôt, nous nous en détournons, comme l’a brillamment montré Blaise Pascal, célèbre prêtre-à-penser de l’école des Jansénistes (la branche la moins comique du catholicisme). Les hommes ne pouvant empêcher la mort, « ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser ». Chercher à gagner une compétition de cookies vegan, envoyer 30 emails facultatifs par jour à ses collègues de bureau, brûler une voiture suite à une déception footballistique, se présenter à l’élection présidentielle : foules de tâches et de responsabilités qui n’ont pour autre but que celui de détourner le regard de la misère de notre condition. Nous sommes finis, le générique nous pend au nez – mais nous cherchons à l’oublier.

Bonne nouvelle ! La Tikker Watch, un nouveau modèle de montre, permet à la fois d’être heureux et de prendre ses responsabilités spirituelles. Comment ? Ses inventeurs font le pari que c’est précisément la pensée de la mort qui donne les vibes permettant de savourer la vie.

Le concept est simple : un compte à rebours du reste de votre temps de vie vous rappelle la date de votre disparition certaine. Pour cela, il suffit de remplir un formulaire sur une série de facteurs tels que votre âge (30 ans), vos antécédents médicaux (prédisposition génétique au cancer du poumon), familiaux (parents tous deux ouvriers et alcooliques vivant à Roubaix), votre consommation de tabac (3 paquets par jour) et d’alcool (un fût de bière hebdomadaire). L’algorithme divin s’occupe du reste et Tikker estime la date, l’heure et la seconde de votre mort. Top chrono : il vous reste 2 ans, 4 mois et 7 jours à vivre. N’attendez plus pour kiffer au jour le jour.

En somme, Tikker propose une réponse épicurienne à la pensée de la mort. « Le but est de vous rappeler que le temps est votre actif le plus précieux et que le gaspiller revient à gaspiller votre vie ». Autrement dit, profiter intensément de la vie en pensant constamment au fatal game over.

Cette philosophie de la mort positive rejoint celle du personnage de Jigsaw, serial killer psychopathe de la série des films Saw, qui force des individus à risquer leur vie dans des jeux cruels. Dans un dialogue éclairant de Saw II (2005), Jigsaw s’explique : « si je te disais la date et heure exacte de ta mort… cela ébranlerait complètement ton monde. (…) On regarde et sens les choses d’une manière différente. On savoure tout, que ce soit un verre d’eau ou une promenade dans le parc ». Une approche de la jouissance qui paraît autrement plus efficace que la méditation en pleine conscience ou le yoga !

Que vous n’ayez plus que 4 mois ou 85 ans à vivre, grâce à la montre Tikker donnez vous les moyens d’une excellente continuation (jusqu’au terminus).

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