Tempérant, juste, libre et savant, la figure du Sage est le phare de nos sociétés égarées à la recherche d’exemples incarnés. Depuis Dürer, sa figure a progressivement été associée à celle de la mélancolie : par sa connaissance et son expérience, le sage est conscient de la vanité du monde. Lucide sur sa condition, son degré d’appréhension du réel le place au-dessus du commun des mortels tant il flirte avec les mystères de la mort.
Le visage reposant nonchalamment sur la paume, la posture du savant mélancolique a traversé les siècles jusqu’à se retrouver aujourd’hui dans l’art du portrait photographique des people masculins. Philosophes, écrivains, politiques ou cocaïnomanes repentis du show biz, tous ont compris l’intérêt de singer la figure du sage mélancolique pour gagner quelques points de popularité. Mais n’est pas sage qui veut, gare aux imposteurs ! Reprendre les codes düreriens du savant mélancolique suppose une parfaite harmonie intérieure et c’est précisément sur ce point que vous pourrez débusquer les postiches.
Si le sage contrefait est un véritable caméléon, il reste incapable de renoncer aux sirènes de la vanité. Rongé par une quête insatiable de pouvoir et de plaisir, il se voudrait éternellement jeune et séduisant tandis qu’il assiste, impuissant, au flétrissement de son enveloppe charnelle papier craft. Plutôt que d’accepter sa défaite et d’assumer ses rides sur la photographie il préfèrera, mauvais joueur, détourner les règles du jeu ; et c’est là qu’il se trahit !
Voici comment il s’y prend : face au photographe, la joue reposant lascivement sur la main, il la tire progressivement vers l’oreille sans jamais perdre le contact avec la couche supra adipeuse de sa peau molle et ridée. Encore quelques millimètres… Et hop ! Ni vu, ni connu, le contrefacteur vient de réaliser un lifting éphémère et gratuit. Cette nanoseconde de jeunesse retrouvée sera immortalisée pour l’éternité par le photographe. Sophiste de l’apparence, l’escroc vient d’arnaquer le temps et offre à la postérité un teaser du bel homme qu’il fût !
Pour notre plus grand plaisir, ce tour de passe-passe vaniteux ne passe pas toujours inaperçu. Qui est le lifteur éphémère le moins discret ? Voici notre top 5 des imposteurs de la sagesse !
N°5 : Alain Finkelkraut
Avec sa posture naturelle et son regard alerte, Alain Finkelkraut est l’exemple parfait de la limite ambiguë qu’il y a entre le sage et son imitateur. Sa main droite ne tire que légèrement la peau du visage. Fruit du hasard ou tentative de lifting ? Nous lui accordons le bénéfice du doute.
N°4 : Jean-Pierre Elkabbach
Le célèbre commentateur politique vous regarde avec un air glamour comme s’il vous draguait à une table de la Tour d’Argent. Il essaye de vous persuader qu’il est encore assez jeune et vigoureux pour finir la soirée à l’hôtel, restez vigilant!
N°3 : Patrick Sébastien
Nous ne l’attendions pas dans notre classement, lui, le fervent défenseur du « naturel gitan entre potes », et pourtant, quelle ne fut pas notre surprise de le découvrir habile contrefacteur de la sagesse ! Son sourire satisfait ne doit pas vous tromper, avec sa main droite il est bel et bien en train de grapiller 15 ans d’âge, ni vu ni connu.
N°2 : Patrick Poivre d’Arvor
Homme sensible et cultivé, PPDA n’a pas su nous convaincre avec cette main gauche posée ici sans vraiment s’assumer. La joue est si tirée qu’elle emporte dans son sillage un brin de lèvre. Discrétion 20%, vanité 80%.
NUMBER ONE : Frédéric Mitterrand
L’ancien ministre de la Culture et directeur de la Villa Médicis, amateur de nourriture thaïlandaise, était réputé pour son doctorat es bonnes manières en milieu mondain. C’est pourtant bien maladroitement qu’il procède ici au redressement de sa bas-joue, tirant le paquet de chair poudrée vers la nuque dans une position maniériste qui rappelle l’École de Fontainebleau. Le regard lucide, presque navré d’en être arrivé là, il remporte haut la main le prix du lifteur éphémère le moins discret de la médiasphère.
Bonne Continuation.