« le voleur de votre boîte mail s’est trahi tout seul comme l’amant illégitime et fougueux surpris par le mari ignorant dans le lit nuptial aux draps de soie et de prospérité »

Résumé de l’épisode 4 : En réussissant brillamment le test de moralité « Luxure et Avarice », Maître Adebo Constant a prouvé qu’il était un notaire digne de confiance. Luc Léger, rassuré, accepte de lui transférer les 460 euros réclamés pour le traitement du dossier et se rend dans un guichet Western Union. Le notaire béninois va-t-il toucher son argent tant mérité ? Pigeon vaillant contre cyber-braconnier, vous le saurez dans ce nouvel épisode !

Face à la porte automatique du Western Union, je me prépare à être riche. Je me visualise déjà en décapotable à Bangkok, à palper des noix de coco dodues. Il est temps, je suis prêt ! Mais alors que je suis sur le point d’entrer dans l’agence un pakistanais à moustache en sort précipitamment et me bouscule au passage.

Le choc est léger mais la surprise me fait néanmoins lâcher la précieuse pochette plastifiée de qualité supérieure qui tombe par terre, éparpillant au passage les diverses attestations officielles de Maître Adebo Constant.« معافی » s’excusera en V.O le pakistanais pressé à qui je donne congé. Je me baisse pour ramasser les documents et soudain, horreur, je fais une terrible découverte ! L’affaire est grave et menace sérieusement l’ensemble du deal. Je déploie mes ailes profilées et m’envole en urgence au pigeonnier pour en informer Maître Constant :

Je vous prie de m’excuser je sais que votre cabinet est fermé mais c’est vraiment très urgent de façon catégorique ! Il y a quelques minutes, alors que je venais de garer ma voiture pour aller donner les 460 euros au western Union j’ai fait tomber dans la rue ma pochette avec les documents que vous m’aviez donnés et que j’avais imprimés. Je me suis rendu compte que l’ACTE DE DÉCÈS que vous m’avez donné était daté au 28/02/2003 alors que le CERTIFICAT DE POSSESSION D’HÉRITAGE DE FONDS dit que le compte a été ouvert le 26 janvier 2012. Je ne comprends pas, les dates ne correspondent pas, comment Madame BEAUVALLET a-t-elle pu ouvrir un compte après sa mort?

Pour rappel, voici un extrait des deux documents.

Ce vortex temporel m’a plongé dans un profond état de détresse, comment expliquer ce paradoxe ? Madame Beauvallet serait-elle revenue d’entre les morts en 2012 pour ouvrir son compte en banque ? Si tel était le cas ce mystère ne serait plus du ressort de la législation successorale mais bel et bien de la sorcellerie ou d’une jurisprudence papale. J’informe ainsi Maître Constant que, compte tenu des circonstances, j’ai pris conseil auprès de mon grand Maître :

J’ai posé par la prière la question à mon grand Maître Igor Vaselinoku, le défunt sorcier de Sibérie et il m’a répondu qu’il n’avait pas la réponse, que peut-être Madame BEAUVALLET avait été ressuscitée par un rituel vaudou juste pour mettre l’argent à la banque avant de retourner dans sa tombe, mais il ne peut pas le confirmer car il n’était pas là à cette époque, il animait avec moi le séminaire « Érotisme Lamophobe » à Iekaterinbourg en Russie.

C’est alors qu’une idée saugrenue me vint à l’esprit, hautement improbable certes, mais que je me devais d’examiner et de partager avec Maître Constant. Et si ce n’était pas une affaire de sorcellerie, mais tout simplement une escroquerie ? Si tel était le cas, je risquais de perdre gros dans cette affaire :

j’ai peur de recevoir de l’argent qui proviendrait du trafic de drogue, de diamants ou je ne sais quoi d’autre et qu’on ferait passer pour un héritage alors que ces 700 000 dollars seraient le fruit du sang et des larmes. Merci d’intercéder, s’il vous plaît, je suis inquiet…

Enfermé dans mon pigeonnier que je parcours de long en large j’attends avec angoisse les mots rassurants et explications de Maître Constant pour cette erreur qui a fait capoter le transfert de ses 460 euros ! Son message arrive enfin :

j’accuse réception de votre message concernant le certificat de possession d’héritage de fonds c’est une erreur de frappe et je vous remercie d’avoir vue cela et je prendrais mes responsabilité pour vite établit un autre par le juge d’instruction  et de vous envoyer cela si je veux vous envoyer l’acte de Donation faux beaucoup m’excuser de cette erreur car c’est à votre droit absolue de demander car tout être humain peut faire un  erreur sans le savoir car  c’est au niveau de la frappe que l’erreur à faire car vous n’avez plus rien à craindre.

Une erreur de frappe, ouf, ça n’était que ça. Et moi qui me faisais des films et commençais à m’imaginer embarqué dans une affaire de contrebande internationale ! Se voulant encore plus rassurant, mon interlocuteur, gourmand, ira trop loin et commettra l’irréparable :

Sachez que vous ne pouvez par perdre votre argent car c’est un affaire illégale qui nous unis ensemble (…) car si cela court d’un risque je ne peux par vous mettre dans ce sale besogne et l’argent n’ai par le fruit du sang et des larmes ni de trafic de drogue.

« c’est un affaire illégale qui nous unis ensemble » ? Comment Maître Constant, grand notaire et avocat international à la Cour de Cotonou peut-il dire une chose pareille ? Son inconscient aurait-il parlé à sa place ? Maître Constant serait-il … UN ESCROC ? Non, c’est impossible et pourtant je doute, plus que jamais.

Parallèlement, je reçois des sollicitations de la banque BOA m’exhortant à payer les honoraires de Maître Constant au plus vite, sous peine de nullité de l’acte d’héritage. La banque insiste et c’est bien normal, un établissement aussi réputé ne peut légalement pas faire d’exceptions pour des particuliers comme moi. Je prends mon clavier et les informe de la situation :

Je n’ai pas encore donné suite à l’affaire car il y avait une erreur de frappe sur un des documents que Maître Constant n’avait pas détectée et c’est moi qui l’ait vue au dernier moment, heureusement car tout aurait dû être annulé alors que des enfants attendent de l’argent pour leur opération.

Je saisis l’occasion pour commencer mon enquête sur Maître Constant. Qui, mieux que la banque, implantée localement depuis des générations, pourrait me garantir que Maître Constant n’est pas un escroc ?

J’en profite pour vous demander en toute confidentialité : Maître Constant est-il un notaire qui a bonne réputation à Cotonou? Pouvez-vous me donner quelques détails sur lui pour que je voie si il est bien? Je compte bien sûr sur votre discrétion pour ne pas lui dire que je vous ai demandé cela…

La réponse ne se fait guère attendre, je reçois de la banque une lettre de recommandation sur Maître Constant des plus léchées :

« c’est une personne qui aime la vérité », « ce Mr là est excellent dans son travail ». Comment mettre en doute cette précieuse recommandation émanant de la grande banque BOA ? Très vite, Maître Constant m’envoie la version corrigée du certificat de possession de fonds récupéré en urgence au tribunal de première instance de Cotonou, il me réclame à nouveau les 460 euros.

Le problème a été résolu, rapidement, je dois le reconnaître. Tout est rentré dans l’ordre. Et pourtant… Que de signaux étranges depuis le début de notre échange…

C’est alors que je comprends !

Une chose terrible est en train de se produire et Maître Constant, directement concerné, risque très gros ! Je lui écris dans la foulée :

Je vous remercie d’avoir agi en conséquence et d’avoir rectifié promptement votre erreur que je pardonne. Cette histoire m’a quand même fait réfléchir grâce au Seigneur et aux conseils discrets de mon Maître Vaselinoku secondé par Kokou et j’ai toujours un doute car je ne sais pas vraiment si l’argent que je vais recevoir n’est pas celui de la misère des hommes issu d’une sale besogne larmoyante à laquelle je tiens à rester éloigner.

Le moment de lui faire part de ma révélation :

Votre dernier message me laisse suspecter que depuis un ou deux mails ce n’est plus le même Maître Adebo Constant qui me parle car le vrai Maître Adebo Constant me parlait plus et parlait aussi de Dieu, il n’était pas seulement intéressé par l’argent mais aussi par la Spiritualité alors que maintenant c’est différent. Je me demande si depuis quelques mails votre boîte mail n’a pas été piratée et que quelqu’un vous utilise pour retirer l’argent que je vais vous envoyer, tout cela à votre insu. Mais le pauvre bougre s’est trahi tout seul car il m’a dit:

« sachez que vous ne pouvez par perdre votre argent car c’est un affaire illégale qui nous unis ensemble . »

Avec ce mot le voleur de votre boîte mail s’est trahi tout seul comme l’amant illégitime et fougueux surpris par le mari ignorant dans le lit nuptial aux draps de soie et de prospérité en train de copuler avec sa femme alors qu’il croyait que personne n’allait le surprendre en pleine action pas même le regard de Dieu.

Les 460 euros sont prêts mais je n’aimerais pas que cette somme aille directement dans les poches de celui qui se fait passer pour vous par moments sans que vous ne vous en rendiez compte (…) Non je ne veux pas ça pour vous et en plus si cet usurpateur est malin il risque aussi de me prendre les 700 000 euros qui me reviennent qui sont peut-être le fruit de son trafic de diamants ou de défenses d’éléphants en ivoire qu’il cherche à récupérer en nous utilisant de façon habile.

Mais alors, penserez-vous, comment savoir qui est le vrai Maître Constant puisque je ne peux pas le rencontrer ? Qu’est-ce qui me prouve que je ne suis pas en ce moment même en train de parler au pirate, ou pire, à une armée de pirates qui nous espionnent depuis un cyber-café ? Les possibilités sont vertigineuses.

Heureusement, j’ai un plan :

J’ai beaucoup réfléchi pour trouver une solution car le problème c’est que nous n’habitons pas dans le même pays et je veux être sûr de donner l’argent au vrai Maître Adebo Constant. Je sais que vous êtes un homme digne et intègre Maître Constant et ce que je vais vous proposer n’est peut-être pas à la hauteur d’un Homme de votre rang et je vous prie de m’excuser de vous le proposer quand même car c’est la seule solution pour que je vérifie que je parle au vrai Maître Adebo Constant et non à son postiche grossier qui me propose une affaire qui a l’odeur d’un gnou malade.

Comment obtenir cette preuve irréfutable ? Ma stratégie est imparable.

Je vous demande d’imprimer le papier que je vous envoie dans lequel j’ai écrit votre nom avec un tampon et son message amical qui est celui de mon maître et défunt Igor Vaselinoku de Sibérie qui représente un poing avec son bras et le pouce vers le bas, représentant l’ascension du Messager partant de la terre et s’élevant grâce aux cellules organiques vers le Ciel et le Mouvement.

Si jamais vous refusez cela me donnera la preuve que je suis en train de parler avec le faux Adebo Constant qui usurpe injustement l’identité du vrai Maître Constant et je préviendrai la banque car ce sera la preuve que tout cet argent que la banque détient est en réalité celui du sang et des larmes et que nous sommes tous les trois, vous, la banque et moi, les marionnettes du grand banditisme et dans ce cas il vaut mieux rester à l’écart de cette histoire pour le bien de nos proches et de nous mêmes.

Manifestement humilié par ma requête, Maître Constant durcit le ton et ne veut pas coopérer :

suite à votre message je tiens à vous informez que je suis très déçue,de votre méfiance  car c’est belle et bien moi Mr CONSTANT ADEBO qui vous rédigé des message en personne et je tiens à vous clarifier que mon compte n’a pas été piraté.

Je comprends parfaitement sa réticence et je commence à culpabiliser. Peut-être suis-je allé trop loin ? Ou alors est-ce la preuve que Maître Constant est un pirate ? Quoiqu’il en soit il me menace de rompre tout contact avec moi. Je finis par trouver les mots justes et propose à Maître Constant un dernier compromis :

Je comprends que vous ayez vieilli et honte de montrer votre corps et votre visage qui a des boutons dans une photo. (…) Puisque vous vous ne voulez pas que l’on voit vos boutons sur la photo, je vous demande de prendre en photo votre agent comptable à son bureau.

Le temps passe. Toujours pas de réponse. La banque me menace de récupérer mon héritage. Et si je passais à côté de l’opportunité de ma vie à cause de la paranoïa ?

Je suis sur le point de lui présenter mes excuses lorsque je reçois de ses nouvelles, le ton est étonnamment coopératif…

BONJOUR Mr Luc

Suite a votre requête je viens par cette note vous informer du manque de temps eu aujourd huit encore suite aux affaires domaniales (…) je suis trop prier  de m’excuser pour ce retard et je porte toujours une attention très très particulière a votre Dossier toujours dans la bonne marches des choses.

Oui, oui… et ?

(…)  j’ai envoyer le papier que vous m’avez envoyer dans sa boite émail de mon agent comptable et je lui ai donné des instruction ferme de téléchargé cela et de prendre comme photo et de m’envoie cela (…) voila cela car la banque ma contacté ce matin pour savoir plus sur l’avancement du dossier qui traine

J’ouvre la pièce jointe…

Je jubile.

Maître Constant vient de m’apporter la preuve irréfutable qu’il n’est pas un escroc. L’agent comptable est bien là, élégamment installé en costume dans les bureaux de l’étude, au milieu de ses dossiers, tenant dans les mains le sceau sacré de Maître Igor Vaselinoku de Sibérie.

Cette fois-ci, c’est certain, l’affaire est sécurisée, mes doutes disparaissent, ce n’était donc pas une blague, dans quelques jours je serai VRAIMENT riche ! Je rouvre mon tiroir et reprends les 460 euros que je mets dans une enveloppe. Leur destin, Western Union direction Cotonou !

La suite au prochain épisode !

 

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