« Es-tu en ligne ? » C’est la question existentielle que posent les allumeuses numériques d’une exposition londonienne. Chronique d’un scandale sulfureux dans lequel sexe, argent et big data se livrent à une joyeuse partie fine.

Ashley Madison est un site internet spécialisé dans les rencontres extra-conjugales. Fort prisé aux Etats-Unis, il fut pionnier en la matière et a notamment inspiré son clone francophone Gleenden. Mais derrière la vitrine rutilante de cette marketplace de l’infidélité quelque chose d’autre se prépare. Dans l’arrière boutique, les ingénieurs travaillent en toute discrétion à l’avènement d’une armée de cyber-femmes fatales.

Ces funeste plans ont été contrecarrés, par hasard, le 18 août 2015.

Indignés par le marché du mensonge revendiqué par Ashley Madison, des hackers ont dérobé les informations personnelles des quelque 33 millions d’utilisateurs qui fréquentaient le site en toute discrétion. Nom, prénom, adresse, tout fut jeté en pâture sur la place publique dans un fracas de gigaoctets.

« La vie est courte. Tentez l’aventure » promettait la plateforme aujourd’hui condamnée à indemniser les victimes dont les infidélités devinrent publiques. Ayons une pensée émue pour ces bons pères de famille, dommages « collatéraux » de la cyber-attaque, dont le jardin secret fut dévasté par l’ouragan des révélations.

L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais elle prit une tournure métaphysique lorsque des journalistes mirent leur nez dans les laboratoires d’Ashley Madison et découvert que sur les 33 millions de profils existants, seuls 12 000 appartenaient à des femmes. Soit environ une femme pour 3000 hommes !

Comment un site de rencontre extra-conjugales sans femmes pouvait-il être rentable ? La découverte des journalistes fut effroyable. Dans les sillons des serveurs, près de 75 000 guerrières attendaient au garde à vous. Ce sont des fembots, entendez-là des robots conversationnels féminins virtuels dont la raison d’être n’est autre que de se faire passer pour une amante chevronnée et encourager le chaland à payer grassement pour approfondir la discussion. Le business juteux a commencé très tôt avec des premiers prototypes en 2002, avant que le scandale ne pousse le site à détruire dans la lave informatique ses escorts numériques si dévouées.

Ne regrettez pas ces superbes créatures car vous pouvez désormais avoir la chance d’en rencontrer quelques unes, POUR DE VRAI !

Les plus chanceux pourront voir ces fembots jusqu’au 11 novembre dans la capitale du Brexit à la Annka Kulty’s Gallery où l’exposition Are you online now? remet ces agents conversationnels en service.

Car Le groupe d’artistes !Mediengruppe Bitnik’s a ressuscité ces fembots. Elles sont là, elles vous attendent, nichées dans des écrans sur trépieds. Cinq visages virtuels masqués par un loup. Elles vous scrutent, jusqu’au moment où l’une d’elles s’anime. Une voix de synthèse vous interpelle avec assurance : « Hey stranger, are you there ? », et sa voisine d’enchaîner « Hi darling, what brings you here ? ». Autant d’extraits de conversations tirées des archives du chatbot et reprises par les artistes.

Ces cinq femmes très artificielles ne sont qu’un échantillon de ces innombrables fembots, actives au moment du hack de Ashley Madison, qui s’occupaient avec sensualité de plusieurs millions de clients. Elles ont chacune un nom, un âge, une adresse. Remises en service, rien ne peut désormais plus les empêcher de draguer le mâle honnête dans une chaîne infinie de stimuli vocaux.

L’atmosphère est dérangeante, vertigineuse, terrifiante. Mais l’époux exemplaire ne se laissera pas décontenancer et trouvera dans cette exposition une occasion socialement acceptable d’aller fricoter au grand jour avec ces professionnelles de la séduction.

Vous recherchez le frisson ? Laissez libre cours à vos pulsions et croquez la pomme !

Bonne Continuation.

Image d’illustration : Female Robot, Creative Commons

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