Avec le Brexit, l’Union européenne s’ampute de son bras d’honneur historique. Un traitement de choc aux résultats incertains devenu l’enjeu majeur des prochaines années. Les plus éminents docteurs de l’Union craignent que l’eurosceptiscémisme ne s’étende jusqu’aux confins du continent, tandis que ses adversaires la veulent sur l’échafaud. « Opaque », « incompréhensible »,« aberrante »,« indifférente aux citoyens » : si l’Union européenne était un animal, ce serait un « homard » pour reprendre l’expression de Boris Johnson, ex-futur Premier ministre du Royaume-Uni. N’essayez pas de piger la comparaison, ça casserait le charme technocratique du monstre froid.

Mais pourquoi tant de haine? Tout cela est-il bien juste ?

Par soucis d’honnêteté intellectuelle, nous avons engagé un dialogue raisonné et démocratique avec ce décapode poly-légiférant plus connu sous le nom de Commission européenne, espérant voir transparaître dans son discours un semblant d’humour et d’humanité. Voici notre échange.

Madame, Monsieur,

Européen convaincu, je réalise à titre récréatif des moulages de bananes en polychlorure de vinyle que j’offre à mes amis les plus chevronnés. Or, pas plus tard que le mois dernier, un jeune homme d’origine asiatique est venu me rendre visite dans mon atelier à Cucuron, dans le Vaucluse. Il m’a expliqué combien les mérites jubilatoires de mes moulages de bananes lui avaient été vantés et qu’il souhaitait que je lui en offre un modèle à la condition expresse que le calibre de l’oeuvre soit inférieur à 13,9 cm.

Ce jeune homme m’a en effet expliqué qu’il était originaire d’une ethnie du sud de la Chine connue pour sa petite taille et que les dimensions de la banane moulée devaient en conséquence rester proportionnelles à sa morphologie étriquée. Après avoir examiné mon stock, j’ai été surpris de découvrir que tous mes modèles dépassaient les 14 centimètres de long. Intrigué, je suis alors parti à la recherche d’une banane-mère aux dimensions adéquates dans les supermarchés environnants, en vain.

Embarrassé, ne sachant pas comment satisfaire ce jeune homme en attente, j’ai mené des recherches et découvert le règlement d’exécution (UE) No 1333/2011 DE LA COMMISSION du 19 décembre 2011 fixant des normes de commercialisation pour les bananes, des dispositions relatives au contrôle du respect de ces normes et des exigences relatives aux communications dans le secteur de la banane. Ce règlement statue clairement que la longueur minimale de la banane, « exprimée en centimètres et mesurée le long de la face convexe, depuis le point d’insertion du pédoncule sur le coussinet jusqu’à l’apex », doit être de 14 cm.

Or, au regard de l’article 2 de la Directive de l’UE relative à l’égalité raciale qui dispose qu’  » une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race et d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable » je me demande si, en raison des particularités morphologiques inhérentes à l’origine ethnique de ce jeune homme, l’impossibilité de trouver sur le marché européen une banane d’un calibre inférieur à 14 cm adaptée à son orifice ne constitue pas une preuve flagrante d’inégalité de traitement dans les moyens d’accéder à la jubilation personnelle.

Afin que je puisse apporter une réponse claire à ce jeune homme, pourriez vous me fournir les documents pertinents qui ont servi de base à l’établissement de cette norme, ainsi que ceux qui soulèvent ses dérives discriminatoires dans l’usage des bananes à titre récréatif ?

Par ailleurs, à titre personnel, j’ai pour habitude de consommer le modèle original de mes moulages. Si par chance je réussissais à me procurer sur le darknet une banane de moins de 14 cm, celle-ci serait-elle comestible en dépit de sa taille non-réglementaire ?

Votre réponse me sera très utile pour mieux comprendre le marché européen de la banane, informer ce jeune homme d’origine asiatique sur la possibilité d’enclencher une action en justice pour discrimination raciale, et évaluer s’il n’est pas préférable, à terme, de remplacer ma production de moulages de bananes par des moulages de courgettes.

Je vous remercie par avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à ma requête dont l’objet, j’en ai conscience, est fort spécialisé.

Bonne continuation,

La réponse de la Commission européenne ne s’est pas faite attendre.

Merci pour votre question concernent des normes de commercialisation pour les bananes.

Le règlement (UE) no 1333/2011 de la Commission a prévu la fixation de normes de commercialisation pour les bananes. Les objectifs assignés à ces normes sont d’assurer un approvisionnement du marché en produits homogènes, de qualité satisfaisante, en fixant des normes de commercialisation pour les bananes, des dispositions relatives au contrôle du respect de ces normes de commercialisation et des exigences relatives aux communications dans le secteur de la banane.

Il y a lieu de tenir compte du fait que des conditions de production défavorables à Madère, aux Açores, en Algarve, en Crète, en Laconie et à Chypre, en raison de facteurs climatiques, font que les bananes n’y atteignent pas la longueur minimale requise. Dans ces cas, la production en cause doit pouvoir être commercialisée mais doit être classée dans la catégorie II.

 Le commerce de la banane est soumis à une très grande concurrence. Les opérateurs concernés ont eux-mêmes mis en œuvre des pratiques strictes de contrôle. Il convient en conséquence de ne pas soumettre au contrôle au stade prévu les opérateurs qui présentent les garanties appropriées en matière de personnel, d’équipements de manutention et qui peuvent garantir une qualité conforme des bananes qu’ils commercialisent dans l’Union. Cette exemption doit être accordée par l’État membre sur le territoire duquel le contrôle doit en principe être opéré. Elle doit être retirée en cas de manquement au respect des normes et des conditions qui sont posées pour cette exemption.

La présente norme s’applique aux bananes des variétés (cultivars) du genre Musa (AAA) spp., sous-groupes Cavendish et Gros Michel, ainsi qu’aux hybrides, figurant à l’annexe IV du règlement (UE) no 1333/2011 , destinées à être livrées à l’état frais au consommateur, après conditionnement et emballage, à l’exclusion des plantains, des bananes destinées à la transformation industrielle et des bananes-figues.Des normes de commercialisation pour les bananes sont définis  à l’annexe I du règlement (UE) no 1333/2011.

Dans toutes les catégories, compte tenu des dispositions particulières prévues pour chaque catégorie et des tolérances admises, les bananes doivent être en conformité avec des caractéristiques minimales.

Concernant le calibre, la longueur et le grade minimaux sont respectivement fixés à 14 cm et 27 mm

Par dérogation, les bananes produites à Madère, aux Açores, en Algarve, en Crète, en Laconie et à Chypre, d’une longueur inférieure à 14 cm, peuvent être commercialisées dans l’Union, mais doivent être classées dans la catégorie II.

Sur la tolérances de calibre pour toutes les catégories, 10 % en nombre de bananes ne correspondant pas aux caractéristiques de calibrage dans la limite de 1 cm pour la longueur minimale de 14 cm.

Prudemment caché dans les ventouses du décapode notre interlocuteur a le mérite d’avoir clarifié un problème de taille : si vous êtes un amateur de bananes à usage jubilatoire, reportez-vous sur les fruits de catégorie II !

Bonne continuation.

 

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